• Sentence Finale

    Dans une Europe en pleine déliquescence, au main de fonctionnaires qui refusent la réalité, de groupes de pression innombrables et de riches magnats sans scrupules, un groupement militaire d'élite fait figure de dernière apparence d'idéal. Mais quelles sont les véritables buts de son fondateur, le général Sébek ?

    Un militaire ne doit pas se poser de question, pourtant rien ne peut se passer comme prévu lorsque d'étranges sentiments s'emmêlent au détriment de la discipline et de l'obéissance.

    C’était une jolie fille brune, pourtant elle ne souriait jamais. Son regard n’avait rien de vitreux, mais la fatigue avait fait son œuvre et il avait quand même perdu de son éclat. Elle l’avait abaissé vers le sol, elle le cachait derrière la visière de tissu vert de sa casquette.
    Elle savait qu’il allait lui dire quelque chose, immanquablement, et faisait tout pour éviter une remarque. Au repos dans sa tenue pleine de boue, les mains derrière le dos, elle était aussi immobile que l’arbre au fond de la cour.
    « La pauvre... » pensa l’adjudant. « Pourtant je ne dois pas céder. Elle est née pour survivre. Il faut me montrer impitoyable avec elle. »

    « Garrrr’ à vouuus ! »
    Claquement sec des talons.
    « re-pos !
    Garrrr’ à vouuus ! »
    Second claquement, plus fort.

    L’adjudant faisait face à la trentaine de recrues, dont il allait falloir faire des sous-officiers. Il fit quelques pas, fit mine de contrôler leur tenue, et, théâtral, commença à déverser sa bile.
    « Un peloton de minables ! Douze heures et quarante-six minutes ! Ah quelle bande de guerriers j’ai là ! Deux heures seize de retard sur l’horaire prévue, pour une réussite, c’est une réussite ! Et l’équipe bleue aussi nulle que l’équipe rouge. Pas un chef d’équipe pour rattraper l’autre ! Et on laisse s’étirer ses hommes comme si c’était la Bérézina ? Mais qu’est-ce que c’est que ces leaders de merde ?
    Vous ! Soldat Massirine c’est çà ? Comment pouvez-vous avoir le culot de ramener votre fraise alors que certains de vos soldats sont encore sur la route cent mètres derrière ?
    Des soldats… Ou des femmelettes ? »
    Suite de la mise en scène. L’adjudant s’était éloigné du malheureux chef de l’équipe rouge et rapproché de sa victime préméditée en la fixant avec insistance.
    « Ça veut jouer à la soldate hein ? Mais ce tas de boue informe arrive parmi les derniers. Et ce truc là à vos pieds ? C’est çà le LRAC qu’on vous a confié en début de mission ? Mais c’est quoi cette chose immonde ? C’est boueux et dégueulasse, et puis son étui a été ouvert, comment çà se fait çà, hein ? »
    Il prit à témoin le reste du groupe toujours au garde à vous :
    « Quelqu’un aurait-il ordonné de sortir le Lance-Roquettes Anti-Char de sa protection?
    - Non mon adjudant. »
    Il s’adressa à nouveau directement à elle.
    « Est-ce qu’on était censé combattre des chars à un moment ou à un autre ?
    - Nous n’avons pas rencontré de blindés, mon adjudant. »
    La voix était faible, prête à se briser.
    « Alors est-ce que vous pouvez, soldat Le Chevallier, m’expliquer comment l’étui du LRAC a pu s’ouvrir et l’eau rentrer dedans ?
    - Le... Le couvercle s’est détaché, mon adjudant.
    - Le couvercle s’est détaché ? Comme c’est in-té-res-sant ! »
    Plus moyen de voir ses yeux.
    « Regardez-moi le Chevallier ! »
    Elle releva lentement le visage. Au bord des larmes... Il se dit que s’il en rajoutait, elle allait craquer. Il lui fallait arrondir les angles.
    « Facile d’accuser un défaut de matériel. En attendant vous allez me faire le plaisir de m’astiquer chaque élément de cette arme. Je vérifierais personnellement et si elle n’est pas impeccable, vous recommencerez, toute la nuit s’il le faut. Compris ?
    - Bien mon adjudant.
    - Et c’est valable pour vous tous tas d’ahuris ! Allez me faire briller ces fusils bouseux en vitesse. Rompez les rangs ! »
    Le sergent beugla un « Bougez-vous ! » et tous partirent, grinçant des dents de savoir qu’il faudrait encore attendre avant de tomber dans un lit. L’adjudant suivait du coin de l’œil la fille harassée.
    « Faudrait pas que je la pousse trop loin... Faudrait pas qu’elle lâche tout et qu’elle renonce. »
    Une voix l’arracha à ses pensées.
    « Adjudant Guiberti ? »
    Il se retourna, un peu surpris. C’était le capitaine, une femme élégante, toujours distante et maîtresse de soi.
    « N’en faites quand même pas trop avec Le Chevallier. Je sais que vous comptez beaucoup sur cet élément, mais ne le brisez pas dans l’œuf, d’accord ?
    - Ne vous inquiétez pas capitaine. »

    Effectivement, le soir venu, il renvoya enfin dans ses chambres l’ensemble du peloton, sans exception, et sans rien redire au nettoyage du lance-roquettes.
    Au mess le lendemain matin, le capitaine lui demanda de se joindre à sa table pour prendre le petit-déjeuner. La proximité de cette femme impénétrable le rendait toujours un peu nerveux et il manqua de renverser sa tasse de café.
    « Je voulais à nouveau vous parler du soldat Le Chevallier. Je sais parfaitement que vous n’êtes pas homme à rabaisser les femmes, et que vous traitez toutes vos recrues en soldats, quel que soit leur sexe. Mais n’oubliez pas non plus qu’hier, elle portait le LRAC en plus du matériel normal. C’est beaucoup après un raid comme celui-là, et cet engin est lourd même pour un homme bien constitué. Vous auriez peut-être pu éviter de vous en prendre à elle à cause de son retard. Ce n’était pas la seule.
    - Mais...
    - Excusez-moi mais je termine. Le Chevallier est un bon élément. En tant que femme du rang, son dossier est impeccable. C’est un soldat discipliné, réellement « marié » avec l’armée. Mais il me paraît nécessaire de vous en dire plus sur elle. Je ne veux pas bien sûr que cela affecte votre manière de la former, et je sais parfaitement qu’ici, nous formons l’élite des combattants de montagne. Mais sachez quand même que c’est une enfant de la Dass. Pas de parents, pas de famille. Sa famille c’est l’armée. Son respect envers elle est immense, c’est sa mère. Et vous, vous êtes un peu son père. Si vous arrivez, à force de la soumettre à une pression incessante, à la dégoûter de cette unité, voire du monde militaire dans son ensemble, vous risquez de briser une vocation et peut-être même une vie. Je vous en prie, ne tirez tout de même pas trop sur la corde !
    - Je... J’ignorais tout ceci. Bien que je me doute que la force de caractère de cette fille devait probablement avoir été trempée dans pas mal d’épreuves. Mais croyez-moi capitaine, j’ai parfaitement conscience d’être parfois sur la corde raide avec elle et je fais alors en sorte de désamorcer la bombe. Si elle devait renoncer, je crois que je ne me le pardonnerais pas. Mais je tiens à lui donner la meilleure formation possible. Donc aussi la plus dure. Et je sais que dans cette caserne nous sommes tous d’accord sur ce point.
    - Bien sûr. Je partage entièrement le point de vue institutionnalisé par le général Sébek. Il ne nous a pas réunis ici en usant de toute son influence politique pour que nous tournions comme le reste de l’armée, à compter les ongles cassés et les problèmes affectifs. C’est même à cause de cela que je ne veux pas perdre quelqu’un d’aussi prometteur. Vous me comprenez ?
    - Parfaitement. Mais je ne dois pas perdre mon autorité sur elle. Peut-être pourriez-vous, vous... ?
    - Intervenir pour la rassurer ? Je ne pense pas que ce serait une bonne chose. C’est à vous de lui faire comprendre que vous n’avez pas l’intention de l’écraser, mais de la faire se surpasser. »

    => débuter les festivités (nécessite un petit commentaire pour y accéder)...

    Achevée le 21 juillet 2005, c'est l'avant-dernière née de mes nouvelles. Elle est un peu "spéciale" et pourrait déplaire. C'est l'enfant terrible de la famille...


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  • Commentaires

    1
    Vendredi 4 Juin 2010 à 10:37
    Haaaan ! Mais je la veux la suite, moi ! Ça pulse dès le départ et je suis raide amoureuse du réalisme des dialogues. Non non. En fait... je suis verte de jalousie !
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    2
    Numéro de série 23 Profil de Numéro de série 23
    Vendredi 4 Juin 2010 à 10:53
    Ca y est, j'ai enfin réussi à appâter à grand renfort de croquettes Friskies l'insaisissable Fancy !
    Euh bon, maintenant je suis tenu de mettre la suite en ligne... Donc j'achève d'abord la vidéo et dès que je peux je te glisse la suite. J'espère que tu continuera à accrocher...
    3
    Vendredi 4 Juin 2010 à 11:17
    J'aime ton style de toute façon, alors oui, j'accrocherai. C'est juste le temps qui me manque... d'où ma faible participation à ton blog. Sorry.
    4
    Numéro de série 23 Profil de Numéro de série 23
    Vendredi 4 Juin 2010 à 12:45
    ...et voici la suite (j'ai pas pu télécharger la vidéo modifiée, on dirait que la dernière mouture de Firefox me joue des tours du coup, perte de temps) !
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