• Revue à la Perse

    Petite vue plongeante sur le quadrige perse...

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  • Le retour de l'Olifant

    Pour les adeptes, une nouvelle vue de l'éphantesque Majesté qui présente son flanc puissamment blindé et en prime, daigne laisser entrevoir de manière magnanime une partie de son équipage.

    Tiens je m'aperçois que j'aurais pu tenter d'y figurer les attaches de la caisse...
    Espérons que quelques pas plus loin notre bon ami ne renverse pas ce château de bois qui tient comme en équilibre sur son dos.

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  • Réveil
    Le réveil fut soudain, le choc trop fort, et pendant un temps indéfinissable, avant d'allumer la lampe de chevet, j'eus l'impression que tout ceci s'était vraiment passé.

    Après une dernière relecture, Ingrid referma son journal, en soupirant. Cela avait été le dernier rêve depuis de longues semaines déjà. Elle espérait encore pouvoir à nouveau écouter cette voix.
    Pour l'instant, elle n'entendait que le gazouillis d'oiseaux invisibles. C'était quand même agréable. Le soleil perçait discrètement les frondaisons, il faisait bon. Ici, au cœur de cette forêt, elle avait l'impression qu'elle se trouvait plus proche d'une certaine réalité.
    De sa réalité.

    Oh, elle le savait, dès qu'elle serait rentrée, elle changerait d'état d'esprit, et puis, si tout cela n'était que fadaises ? N'empêche, ce visage... Si proche, et pourtant si lointain. Si elle faisait un petit effort - et c'était si facile, dans cette nature que rien ne vient troubler - un tout petit effort, elle pouvait imaginer que ce n'était pas seulement elle qui l'avait vu.
    « Mais lui aussi. Même si tout cela n'est qu'un rêve, j'aurais pitié de ses larmes ! »

    Alors qu'elle avait pensé tout haut, sans prendre garde, un bruit de feuilles froissées se fit entendre. Un grand chien-loup plutôt loup que chien, noir et l'air féroce sortit des fourrés. Ingrid se releva et s'agrippa à son journal. Elle ne se sentit pas à l'aise face à ce molosse, lorsqu’une voix se fit entendre, provenant de derrière le chien :
    « Mais à qui parles-tu donc, ma pauvre fille ? »
    Le maître semblait aussi sombre que son chien. Il tenait une canne au pommeau travaillé, comme une tête de loup. Et il l'avait appelée « pauvre fille ».
    « Quelle importance ? »
    Ingrid était maintenant plus que contrariée, mais elle n'osait pas trop relever la remarque. L'étrange couple que formait l'animal et le personnage lui faisait froid dans le dos.
    « Je t'ai pourtant bien vu parler à ce buisson, qui lui ne t'a donné aucune réponse... Si tu veux un petit conseil, tu devrais peut-être ne pas trop passer tes journées dans les bois, toute seule. Ce n'est pas la première fois que je te remarque, lorsque je viens promener mon chien... Et bien que cela ne me regarde pas, je m'inquiète un peu. La solitude n'est jamais bonne. »
    Quoi ? Il m'a déjà entendue ! Ingrid se sentait de plus en plus gênée. Décidément elle n'aimait pas son allure.
    « Vous avez raison... Je crois que je vais rentrer...
    Tout de suite. Au-revoir. »
    Elle enfourcha son vélo et le laissa planté là.


    ManoirSur la grève
    Il fait bon. Je me sens détendu. Je crois que j'ai eu froid, mais ce n'est plus qu'un mauvais souvenir.
    Envie de m'étirer.
    Je suis sur le sol, sur du sable, le contact en est agréable.
    Bon, il faudra bien se lever un jour ! Pas de courbatures, mon corps va bien. Mais qu'est-ce que je fiche ici moi ?

    Une mer couleur émeraude, transparente comme du cristal coloré. Des petites vaguelettes viennent mourir sur le rivage. On aurait presque envie de s'asseoir là et d'en écouter le chant rythmé. Jusqu'à la fin de ses jours. Oh, mais il y d'autres bruits, j'entends mieux maintenant... Une très légère brise qui passe au travers de branches. Ah, en effet, il y a des sapins et des pins derrière moi. C'est beau. Des oiseaux aussi. Mouettes, et puis des gazouillis plus agréables.
    Et... Tiens, une habitation. Elle est accrochée un peu plus en hauteur, et sur le ciel, elle dessine comme la proue d'un navire. On dirait un peu un chalet scandinave, en bois avec des fondations en pierre, mais elle a aussi quelque chose d'oriental... C'est fou comme je vois bien moi. De la fumée, il y a donc quelqu'un. On va aller voir çà de plus près!

    J'ai dû marcher, mais je ne sais même pas combien de temps. Je me rends bien compte que je me suis avancé le long d'une lande, puis à travers une prairie constellée de fleurs, mais tout était tellement captivant, agréable, délicieux, que je ne m'en suis même pas aperçu. Pourtant il a bien fallu que je monte, même un peu, cette maison est accrochée à flanc de colline ! Bon, en tout cas maintenant, elle est face à moi. Quelqu'un va-t-il pouvoir m'expli...

    L'homme reste bouche-bée. Il ne peut plus bouger, il ne peut même plus penser. Là, dans l'encadrure de la porte, là juste en face de lui. Une créature... Un ange ? Alors les anges sont des femmes. Un visage doux, agréable, constellé de tâches de son, couronné d'une chevelure tombant en cascade sur ses épaules et se perdant derrière elle, aux reflets fauves et scintillant comme un incendie. Des yeux dans lesquels on se perd.
    Qu'y a-t-il de plus à expliquer. Il n'y a rien à comprendre, il faut juste savourer.


    Suite juste en dessous...

    L'illustration (et inspiratrice du manoir) est un projet de villa scandinave, de l'architecte Lars Sonch datant de 1897.


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  • Il lui fallut un petit moment pour retrouver ses esprits, et tout de suite, elle pensa qu’elle l’avait perdu. La pluie battait son plein, crépitant sur la tôle. Elle passa en marche arrière, appuya à fond sur l’accélérateur, et dans une grande gerbe de boue, la voiture se replaça sur la route.
    Elle allait redémarrer tout de suite, lorsqu’elle aperçut, dans le faisceau de ses phares, un panneau indiquant un embranchement. Plus haut, elle le savait, la route atteindrait un col, d’où elle pourrait apercevoir les phares de la berline, si toutefois elle avait continué tout droit.
    La route annexe quant à elle se perdait entre les parois d’une gorge secondaire, montant et disparaissant de sa vue. L’eau s’en précipitait comme un torrent furieux.
    Elle lança son véhicule à l’assaut du col, qu’elle atteignit cinq minutes plus tard. La route redescendait dans l’encaissement rocheux qui s’élargissait ensuite progressivement, permettant de balayer du regard très loin en avant. Or il n’y avait aucune lumière signalant le fugitif.

    Sonia Gomez avait à la fois envie de sourire et de frapper le tableau de bord. Il avait donc tourné, échappant au piège... Mais allait-elle pouvoir le rattraper ?
    Elle alluma la lumière du plafond, fouilla nerveusement dans la boîte à gant et en sortit une carte toute froissée. Elle repéra rapidement l’embranchement : la route formait des lacets et gagnait en altitude. Aucun carrefour avant longtemps. Elle avait toutes les chances.
    Demi-tour risqué sur le bitume mouillé, elle redescendit à fond de train et rejoignit le chemin boueux, dans lequel l’eau dévalait de plus belle.
    La piste n’était pas facile et la voiture souffrit énormément. Enfin au détour d’un rocher, elle vit les phares jaunes tant désirés quelques lacets plus haut. La berline, qui devait éprouver certaines difficultés d’ascension, ne semblait pas se presser. Son chauffeur ne paraissait pas l’avoir encore vu. Tant mieux, elle allait rattraper l’écart. Elle partait à l’assaut de chaque lacet en prenant le maximum de risque. Parfois une roue arrière frôlait le précipice, tandis que la terre s’éboulait à son passage. Mais elle remontait, acharnée comme une lionne en chasse. Son sang mexicain bouillonnait, chahutant ses veines, comme les torrents alentours ravinaient la montagne. Elle aurait pu croire être à cheval, si ce n’était le bruit des tours du moteur, horriblement poussé et maltraité.

    Après un dernier lacet, la route continuait sans plus trop tourner, montant insensiblement. Les nuages devinrent plus gris, les gouttes de pluie s’espacèrent. Le paysage changeait lui aussi : des épineux commençaient à apparaître d’abord rabougris, puis plus triomphants. Le sol était moins aride, et les touffes d’herbes se rassemblaient petit à petit. Bientôt avec l’altitude, une belle pelouse verte, toute gonflée de pluie venait mourir de chaque côté de la piste, pour renaître au centre de cette dernière. Le temps restait couvert, mais un arc-en-ciel colora le ciel. Au loin, des crêtes blanches de neige au-dessus de sombres forêts de sapins se laissaient apercevoir. La berline filait toujours, autant qu’elle le pouvait dans ces ornières où un tout-terrain aurait été beaucoup plus adapté.

    La radio n’émettait que des crachotements incompréhensibles, sans doute à cause du temps. Elle l’éteignit donc, trop heureuse de ne plus être importunée par le central. La boue s’amoncelait sur les roues, et le passage de la berline n’arrangeait rien.
    Un moment après, c’était le drame : la voiture patina dans un nid-de-poule, sembla en sortir, puis retomba en arrière et s’enlisa. Elle réessaya plusieurs fois, mais rien n’y fit. Devant, son adversaire lui échappait. Elle fit encore une dernière tentative qui demeura un échec puis décida de continuer à pied. La piste était mauvaise, la berline roulait au pas, il fallait essayer de l’avoir, ne pas abandonner. Elle rassembla quelques objets épars sur la banquette arrière, manteau, casse-croûte et thermos, mit le tout dans un petit sac à dos et sortit d’un pas décidé de son véhicule. Elle ne prenait même pas soin de tenter de le signaler par radio. Elle débuta sa marche d’un pas décidé, la berline toujours en vue, une centaine de mètres plus loin.

    Elle marcha ainsi quelques temps, la voiture avançant au pas, et la marcheuse ménageant ses forces. Mais bientôt le chemin aborda une pente, et la poursuite fut plus rude. Elle vit la berline disparaître au sommet, pour redescendre l’autre côté de l’obstacle. Il lui fallut peiner pour arriver en haut de la butte. Le problème était que la voiture avait entre-temps disparu.
    La route était bien là, continuant entre les bosquets piquetant les herbages. Mais plus aucune trace du véhicule. Elle crut avoir la berlue, et dévala au pas de course le coteau, manquant de se tordre les chevilles. Où pouvait-elle être ? La vue portait autant à droite qu’à gauche, et il n’y avait rien. Si là-bas, vers l’horizon, un point brillait au bout de la piste...

    Le point ne semblait pas vouloir bouger. Elle chemina, harassée et en même temps impatiente de connaître le fin mot de cette histoire. Peu à peu, elle discerna un véhicule vert foncé, du service des parcs naturels. Le ciel était chargé de beaux nuages, blancs rehaussés d’ombrages obscurs et de reflets argent. Il s’étiraient sur tout le panorama, semblant refléter les cimes de l’horizon. Ils formaient autant d’écrans à un pâle soleil, multipliant les ombres sur le plateau immense. Un bruit d’avion passant le mur du son perça le silence. Minuscule dans ce décor, la petite silhouette de Sonia Gomez, chemise chamois à manche courte impeccable, chapeau sombre à larges bords, fut un bref instant survolée par cinq fusées noires, en formation, qui venaient depuis les montagnes pour se diriger vers le désert. Et sans doute la ville, au loin, où émettait sans arrêt le central.

    Une seconde après, l’agent remarqua un individu en uniforme des parcs se lever de derrière sa voiture. Deux secondes, et elle comprit qu’il devait être assis là, caché à sa vue par le véhicule. Trois secondes, elle le vit avancer vers lui. A la quatrième seconde, il y eut comme un immense éclair derrière le dos de Sonia Gomez.
    Elle se retourna. Le vent se leva, des feuilles voltigèrent. Il y eut ensuite un grand souffle, elle n’aurait pas pu dire combien de minutes après le brusque flash. Elle cherchait encore à comprendre quand la voix de l’homme du parc résonna, creuse, derrière elle.

    “C’est fini.”
    Elle ne voyait pas ce qu’il pouvait bien dire par là. Elle se présenta à lui et lui demanda si une berline bleue l’avait croisé.
    “Aucune berline, mais cinq missiles, cinq oiseaux de malheur, qui sont allé distribuer la mort instantanée à quelques millions de citadins, là-bas dans l’Est.”
    Il la jaugea du regard.
    “Vous n’avez pas l’air de comprendre, agent Gomez : depuis vingt-deux minutes exactement - il regardait sa montre en même temps - nos services de surveillance ont détecté une poussière d’engins vraisemblablement nucléaires au-dessus du Pacifique. Avant même de pouvoir réagir, ils étaient déjà sur nos côte. La radio a passé un message d’alerte, puis les stations se sont tues, les unes après les autres. Ceux-là n’étaient pas les premiers, et sûrement pas les derniers”. Il montrait du doigt le ciel.

    Elle demeura sans voix. Ils restèrent tous les deux face au ciel, les bras ballants. Ils virent encore passer d’autres essaims, qui prirent d’autres directions.
    Eux seraient saufs. Eux et quelques autres agents du parc, quelques campeurs éparpillés, quelques familles d’ours, des couples d’aigles, des chèvres sauvages, d’autres animaux encore, des milliers d’espèces d’insectes, des variétés d’arbres et de végétaux...

    La route, tout en bas, n’était plus désormais une droite rectiligne coupant le désert, mais une rivière de goudron tourmenté, pétrifié comme de la lave. Quand à la berline bleue qui lui avait fait quitter ce chemin condamné, l’agent Sonia Gomez, chemise chamois rapiécée, vieux chapeau sombre usé, la rechercha encore quelques temps, mais ne la revit plus jamais.

    FIN

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  • C’est ainsi qu’en ce début de semaine, je me promenais tranquillement dans les rues de la ville encore à demi assoupie, ce qui me permit d’apprécier le calme et la tranquillité du petit matin, avant les embouteillages et le bruit. Je ne croisais que quelques employés de la voirie emmitouflés en attendant que l’aube automnale cède la place au soleil.
    Ce fut une excellente thérapie et j’arrivais frais et dispos à la librairie où la clarté brumeuse du petit matin donnait un air encore plus intime au lieu. Une bonne odeur de café flottait dans l’air, ainsi que celle de croissants chauds.
    Claude Séverac, d’une élégance toujours distinguée s’appuyait sur son bureau, une tasse fumante à la main.
    « Vous êtes parfaitement à l’heure. Vous tombez à pic pour le café, si vous aimez cela bien entendu. »
    J’acceptais avec joie (même si je venais d’en prendre un ce matin) et dévorais du même coup un de ces magnifiques croissants.
    « C’est très gentil à vous d’avoir pensé à moi. Je comprends que si un tel parfum sort le matin de votre boutique, vous n’ayez pas besoin de faire de publicité pour attirer les clients. »
    Claude partit d’un grand sourire.
    « Il faut savoir commencer sa journée dans un bon état d’esprit. Ce n’était pas trop difficile de se lever ce matin ?
    - L’impatience à l’idée de ma première journée m’a aidé. Et puis je dois reconnaître qu’il est vraiment très agréable de circuler en ville à cette heure-ci.
    - Cela fait aussi parti de cet état d’esprit. Maintenant vous êtes calme et serein, et prêt à entendre à la fois les livres, mais aussi les personnes. Vous verrez. Vous apprendrez vite si vous êtes aussi sensible que je le crois. »

    J’avoue que sur le moment je ne compris pas très bien ses réflexions. La matinée passa tranquillement, au rythme du tic-tac d’une vieille horloge qui sonnait les heures et les demi-heures. Il n’y eu pas l’ombre d’un client, et je passais mon temps à prendre connaissance des ouvrages, à les replacer, à les reclasser. Il y avait là un fouillis que je n’arrivais pas à faire correspondre à l’impression nette et impeccable que laissait transparaître Claude. Elle (j’avais de plus en plus tendance à lui donner un caractère féminin) ne me fit aucune remarque, se contentant de sourire, entrant et sortant les bras chargés de livres de l’arrière-boutique au sous-sol, qu’elle ne m’avait pas encore fait visiter, réservant cela pour plus tard.
    Enfin un vieux bonhomme entra. Il ne semblait pas trop savoir quoi chercher, et je me reconnus tout à fait dans ce chineur qui fouinait à droite et à gauche sans au fond se décider pour quoi que ce soit. Il passa bien une demi-heure, je m’en aperçus au carillon de l’horloge, nous gratifia d’un « merci, au revoir » et repartit sans rien avoir acheté.
    Claude redescendit dans ce mystérieux sous-sol par l’un des deux escaliers, prenant soin d’en refermer le cordon qui en interdisait l’accès au public. Ce nouveau mystère commençait à me titiller. Pourquoi cette espèce de cave dont les entrées ressemblaient à celles de salles de cinéma était-elle ainsi fermée aux clients ? Je résolus de le lui demander à son retour.
    Ce fut assez long mais je pus enfin voir sa fine silhouette remonter les marches abruptes.
    Elle posa un livre sur son bureau et j’hésitai un instant, comme si lui poser une telle question aurait eu quelque chose d’indécent. Enfin, je trouvai la force de l’interroger.
    Mais elle ne me répondit qu’évasivement, un sourire en coin.
    « Plus tard. Vous aurez l’occasion d’en savoir plus là-dessus, mais plus tard. »

    Ce nouveau mystère ne fit qu’attiser plus encore ma curiosité. Nous repartîmes à midi sonnante pour prendre notre déjeuner chacun de son côté.

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