• Les Portes... partie 3

    La peur n'est pas une bonne conseillère...
    « Ne te laisses pas décourager par les apparences » il caressait en même temps la bête.
    « Ce chien n'est pas si méchant qu'il n'y paraît... Vas-y, touche-le ! »
    Ingrid avança prudemment la main. Le chien-loup ne broncha pas.
    « Tu te rappelles la première fois que je t'ai adressé la parole ? A voir ta tête, on aurait dit que j'étais un détraqué !
    - Avec un chien comme celui-ci (elle le gratifia d'une caresse, encore peu rassurée à l'égard de l'animal) et un maître comme celui-là, il y avait bien de quoi avoir peur non ?
    - J'avoue que je peux sembler assez étrange, mais pour qui sait m'écouter, il découvrira que je suis plus proche peut-être que son propre voisin. »

    Elle ne l'avait plus revu depuis sept ans. A l'époque, elle avait eu une sacré frousse et évita pendant longtemps de retourner en solitaire dans les bois. Elle en avait même voulu à ses rêves : après tout, à vivre dans un monde imaginaire, et à force d'y croire, on ne se rendait même plus compte des dangers réels. Du coup, elle y fit moins attention, puis elle les oublia.
    Il y a quelques jours, elle l'avait à nouveau rencontré, toujours le même ; mais son air de mystère, ses vêtements sombres, sa canne, et il faut bien l'avouer, son charme d'homme mûr l'avait attiré, peut-être parce qu'elle-même avait changé depuis.
    Il y a sept ans, il lui était apparu un peu comme l'ogre des contes de son enfance. Aujourd'hui, il était plutôt fascinant. C'était en ville, à la sortie de son travail qu'elle l'avait aperçu - sans son chien - et il l'avait aussi reconnu. Ils ont discuté, et lui a proposé de se revoir. Et ils étaient là, au soleil d'une belle matinée de samedi, sur la terrasse d'un agréable bar qui dominait le fjord.
    « Un jour il faut savoir renoncer à l'enfance, et accepter de se lancer dans le grand inconnu. Le monde tel qu'il est n'est-il pas beau ? Pourquoi essayer d'en inventer un autre ?
    - J'étais jeune encore. Mais je crois que si ce jour-là tu ne m'avais pas un peu secouée, je serais encore à soupirer sur un vieux cahier raturé. Mais toi, dis-moi, tu n'as pas beaucoup vieilli en sept ans ? »
    Ses yeux semblèrent briller une fraction de seconde.


    ...encore que
    La plage! Elle me dit quelque chose... Mais elle n'a rien de froid.
    L'eau clapote sur le sable... Le cor, le cor résonne ! Je me tourne vers... Lui !
    Mais il n'existait plus ! Pourquoi veut-il encore me faire souffrir ?
    Il a toujours son armure d'or. Il me regarde, mais il ne semble pas entendre mes paroles. Au contraire, il me sourit, derrière les protections de son casque. Il s'appuie sur la garde d'une épée, qui semble d'or aussi. Et il regarde vers la mer.
    Une barque arrive. C'est LA barque. Mais il n'y a pas les trois barbus dedans. Il y a un guerrier, en noir et argent, aux cheveux noirs, l'air mauvais. A côté de lui, il y a aussi une femme.
    Elle ne bouge pas, lui paraît impatient :
    « Viens, mesurons-nous à égale force, au-delà de la mer ! Heimdall le Grand serait-il aussi Heimdall le lâche ? »
    A côté de moi, je le sens tressaillir sous l'insulte, mais il me regarde... Je crois que je lui souris, et il me sourit à nouveau.

    En face, sur la barque à la proue de serpent, la femme lève soudain la main droite : « Que la lâcheté et la honte se répandent sur toi, Heimdall, si tu n'oses pas croiser le fer avec Ragnar ! »
    Cette fois, je sens qu'il a besoin d'aide. « Et que la vermine fasse tomber ta main droite, Ragnar, si tu ne viens pas te battre sur cette île ! »
    Je ne sais même pas d'où sont venus les mots. Mais je crois que c'est moi qui les ai prononcés. Il vient. C'est un vrai colosse, il dégaine son épée, mais le guerrier d'or paraît absolument invincible. L'autre enrage, il se tourne vers moi... tout se brouille.
    « Mon épée est rougie du sang de son ennemi, peu importe que cela ne soit pas le tien Heimdall, elle peut sans honte rentrer dans son fourreau. J'ai rempli le devoir que j'avais envers le sort de Veya. Tant pis pour elle. »


    Nouveau réveil
    Heimdall. Il s'appelle Heimdall. Ingrid ne cessait de revoir la scène de son rêve. Tout avait paru si clair, si proche, si vrai ! Pourtant elle avait renoncé à chercher, à comprendre, voilà sept longues années.
    Non, elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas tout à nouveau remettre en question !
    « Un psy, d'urgence ! Il faut que je voie Nidra. Lui et ses réflexions bizarres, il pourra trouver qu'est-ce qui cloche dans ma tête. »
    Il lui avait laissé son numéro de téléphone. Enfin, elle ne pouvait pas l'appeler à cette heure de la nuit pour un simple cauchemar...
    Le flot de pensées désordonnées s'arrêta net.

    Un cauchemar ? Mais elle n'appelait pas ses rêves comme cela lorsqu'elle était plus petite ! Il lui avait sourit, et ce sourire la confortait, dans cet univers étrange. Alors que dans cette réalité familière, hier, sur la terrasse, l'étrange sourire de Nidra avait quelque chose d'angoissant.
    Elle se leva alors, alluma la lampe de chevet, ouvrit une armoire, fouilla un moment et en ressortit un carton. Elle l'ouvrit. Dedans, il y avait plusieurs vieux souvenirs, et aussi un cahier. Malgré tout, elle ne l'avait jamais jeté. Au petit matin, la lumière s'éteignit enfin. Nous étions dimanche. Vers midi, elle alla prendre son vélo, et sortit en trombe de la petite ville.

    Automne. La douceur du soleil à travers les arbres. Elle était là, comme avant, assise au centre de la clairière, son précieux journal ouvert. Et tous les rêves qui l'avaient marquée. Dans l'un d'eux, le guerrier à l'armure d'or était agenouillé sur une plage, et entre ses bras, une femme, très belle, très pâle aussi, dont le sang se confondait avec la couleur de ses cheveux.

    ... Donc la suite

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  • Commentaires

    1
    Mardi 3 Février 2009 à 23:17
    Toujours?! Non! De plus en plus? Ouii!!
    Et puis, peu à peu, j'ai l'impression qu'en moi se dessinent des pistes, des peut-être qui ne demandent qu'à être explorés plus avant, peu importe qu'ils soit infirmés ou confirmés!
    On en veut encooore! :)
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    2
    Numéro de série 23 Profil de Numéro de série 23
    Mercredi 4 Février 2009 à 08:37
    Justement, je serais très curieux de connaître ces pistes possibles... Ou du moins tes impressions sur les personnages. Prennent-ils consistance ou restent-ils brumeux et lointains ?
    3
    Jeudi 5 Février 2009 à 01:32
    Je t'en dirai plus lorsque j'en saurai moi-même plus, non sur ton histoire, ou tes personnages, mais sur mes propres impressions qui sont encore trop floues pour que je puisse les mettre en mots!
    Tout ce que je peux en dire, c'est que j'ai vraiment envie d'en lire plus!
    4
    Numéro de série 23 Profil de Numéro de série 23
    Jeudi 5 Février 2009 à 13:44
    Raison pleinement acceptée ! Je vois de toute façon au commentaire suivant que tu commence à avoir des choses fort intéressantes à dire, merci en tout cas de l'intérêt que tu portes à la suite de cette histoire ^^!
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